Je me souviens des fleurs de printemps qu'on cueillait du bout des doigts. La première fois que je suis tombé amoureux j'ai effeuillé une marguerite. Secrètement, entre deux buissons. Le parc était vide pour un jour de vacances. Je compte et compte encore pour tomber sur la folie. J'ai continué à enlever les pétales, et souvent je les ai arrachées. Parce que tous les ans les fleurs poussent au printemps.
J'ai longtemps connu l'amour - je l'ai même trop fait.
30/04/2021
Ça devait être sans lendemain. Une histoire passionnelle et éphémère. Le genre qui donne le tournis quand on y repense. Le même vertige qui nous tord le ventre lorsque nos pieds s'approchent trop près de la falaise. Mais ça ne s'est pas arrêté. Peut être trop de nuits à marcher main dans la main jusqu'à ce que le jour nous endorme.
- Quelle heure est-il ?
- Certainement bien trop tard pour faire marche arrière.
Alors on fait des rêves, on essaye de les suivre puis on les oublie. Je ne sais pas si c'est par peur ou par flemme. Ce qui est sûr c'est qu'elle nous a apporté autant qu'elle nous a pris. La ville m'a donné des envies, qu'elle a tué petit à petit.
Je laisse derrière moi les étreintes aveugles, les nuits sourdes et nos corps muets. J'ai bien trop aimé la fête et les lampadaires orangés. une dernière virée à vélo dans les quartiers, les bras écartés comme pour s'envoler. La pluie vient juste de tomber alors je respire à plein poumons l'odeur du béton mouillé. Suivre la Seine sans voir le temps passer, pour rentrer ivre à l'appart' et s'écrouler. C'est toujours quand on part qu'on se rappelle. C'est quand on part que les souvenirs s'imprègnent. Je regarde en arrière les amours que j'ai flingué. Au final rien d'éphémère, j'ai juste oublié les rêves qu'on s'était promis. 
Plus le temps passe et plus j'aime. Plus le temps passe et plus je flippe. Pourquoi partir si j'ai l'impression que tout n'est pas fini ? Les leçons d'échecs ne m'ont pas assez appris. Je tourne la tête vers l'immeuble de briques rouges qui traverse ma fenêtre, et je me dis qu'ailleurs l'horizon est bleu. Ça ressemble à ça les regrets s'il faut dire au revoir à la ville. S'il faut partir sans couper ce qui nous lie. Je m'allonge par terre et je trie mes Polaroïds. Alors je regarde 10 ans en arrière - le printemps s'achève et l'été arrive.
18/05/2021
On était couché sous les palmiers. J'entendais le vent dans les feuilles et ta respiration lente. Le sommeil léger, mon corps perdu et ton coeur qui me massait le ventre. L'été peut être doux cette fois, qu'importe, tu as déjà les bras blondis par le soleil.
09/08/2021
Je tombe. Je vois défiler un à un les étages que je pensais avoir gravit avec mes certitudes. Ce soir l'air est frais et ta peau brûlante. On se dit qu'on s'effraie un peu puis on recommence.
J'envoie valser les doutes et les putain d'envies de solitude. Je suis sûr qu'on peut vivre en sens interdit. Lorsque les corps s'emballent et les coeurs aussi.
Je veux qu'on se regarde la bouche pleine quand on est dehors et qu'il pleut des cordes. Une musique de film en tête et je termine ma chute sur tes feuilles d'automne.
30/11/2021
Il fait froid quand le matin je pars. Quand la lumière des réverbères coule sur le macadam. Je me répète sans cesse que le vent fait mal alors j'attend dans mon jardin d'hiver que les nuits longues s'éloignent. 
Elle me dit en souriant que le printemps arrivera bien assez tôt. 
Trop tôt.
Alors je ferais en sorte que jamais ne passe le temps des poèmes. Qu'on espère encore le soleil quand la pluie tombe sur nos lèvres. Et si les lacs gèlent dehors c'est pour qu'on se rêve dans nos draps.
Il fait froid quand le matin je pars. Quand la lumière des réverbères coule sur le macadam.
Un hiver austral.
Mes pas juste dessinés se retrouvent déjà blanchis par la neige. En une minute ce que j'étais n'est plus. J'ai toujours eu l'habitude de regarder en arrière avec l'envie d'y revenir ; sans se poser de questions, et revivre inlassablement ce qui est déjà connu. Me complaire dans la facilité des sentiers trop souvent foulés. 
Mais j'ai envie de marcher. Les années passent et pansent les écorchures. On rajoute des couches de compresses sur les plaies ouvertes en pensant que le pire est derrière. 
J'ai attendu tes mains pour remuer le couteau. Pour mettre un pied devant l'autre et s'en foutre des traces qui restent ou s'effacent. Les années passent et je veux les voir avancer. Et si mes empreintes s'estompent c'est que je marche maintenant dans tes pas. 
24/01/2022 
Les ombres s'agitent tout autour, sous les lumières qui ondulent sans s'arrêter. Là, devant la scène mouvante, je te regarde danser. Le monde devient sourd. C'est comme si je plongeais ma tête dans l'eau chaude du bain, les yeux fermés, la bouche entrouverte.
On voulait que le temps s'arrête, et je crois qu'on a jamais été aussi près de renverser le sablier. Tes doigts glissent dans les miens, j'avale tes mots et ton corps tout entier.
Hier soir, le souffle lent et les paupières closes, j'ai pensé à demain en imaginant les mêmes choses. Je veux vivre, toujours, comme la première fois que j'ai senti ta main dans ma paume. Quand je l'ai approché de mes lèvres un soir d'été dans la foule. Je veux ton sourire, toujours, lorsque mon pouce se pose sur ta joue rose. 
Te suivre dans les jours dormants et les nuits saoules. Montre moi du bout des doigts, l'impertinence des coeurs qui osent. 
Les lendemains gris que tes rires arrosent.
30/03/2022
Tu sens l'été. Les soirées qui s'étalent dans la chaleur humide. L'air est doux sous ta robe fleurie. 
Combien de fois me suis-je imaginé effleurant la toile légère qui me sépare de ta chair. Les doigts glissants vers on ne sait où, vers on ne sait quand. Les volutes de parfum d'un bouquet nu, j'en garde le goût dans la bouche. Au bord de la rivière tu me dis que ton coeur devient liquide.
Encore quelques pas à peine.
Sur tes pétales, la rosée acide me brûle la langue. Je veux te chuchoter à l'oreille les mots crus, les mots tendres. Ceux qui te baisent et t'aimeront encore quand la fournaise s'en ira.
02/05/2022
Partir.
Faire une pause sur l'agitation. Quitter la foule et ceux qui marchent avec importance. Être sans l'obligation d'avoir. Plonger dans les vagues, les frapper du poing pour parler à l'enfant que j'étais. comprendre ce que je ne suis plus. Partir pour mieux rester. Regarder le dernier bateau quitter le port avant que les rayons ne rougissent. Que le monde arrête de se foutre en l'air, et pourvu que les étoiles restent alignées.
Partir. De toute façon chez moi c'est dans ses bras.
01/08/2022
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